Dans le cadre de notre émission Hors les Murs, direction La Jumelière, dans le Maine-et-Loire, à la rencontre de Nicolas Gauthier, agriculteur, et de Caroline Leroux, sociologue au sein du laboratoire LARES (Laboratoire de Recherche en Sciences Sociales) de l’École Supérieure d’Agriculture (ESA).
Nicolas Gauthier : une nouvelle génération d’agriculteurs
Nicolas Gauthier n’a pas simplement repris l’exploitation familiale : il a fait le choix de construire la sienne, de A à Z. Fils d’agriculteurs, il a créé sa propre ferme laitière à La Jumelière, avec 110 vaches de race Jersiaise sur environ 120 hectares. Son modèle repose sur une production 100 % bio, avec une forte volonté de valorisation locale.
Caroline Leroux : comprendre qui sont les nouveaux agriculteurs
Aux côtés de Nicolas Gauthier, Caroline Leroux présente les premiers résultats de l’enquête AGRINOVO, un projet de recherche porté par le laboratoire LARES de l’ESA. Ce projet a été soutenu par un appel à projet du Ministère de l’Agriculture, visant à mieux comprendre le profil et les parcours de ces « nouveaux entrants » en agriculture : ceux qui choisissent de s’installer sans nécessairement être issus d’une famille d’agriculteurs.
« La question de l’accès à la terre est aujourd’hui centrale, explique Caroline Leroux. Historiquement, les exploitations se transmettaient de génération en génération, mais ce modèle évolue. De plus en plus de porteurs de projets agricoles ne viennent pas du milieu. » C’est précisément à eux que s’est intéressée l’équipe du LARES.
Une enquête d’envergure nationale
Lancée il y a un peu plus d’un an et clôturée en mars 2025, l’enquête AGRINOVO a mobilisé des outils d’enquête quantitatifs à grande échelle. Ce sont près de 28 000 questionnaires qui ont été envoyés à des agriculteurs installés entre 2018 et 2022. Résultat : 3 400 réponses ont été collectées, permettant de dresser un portrait plus précis de celles et ceux qui font le pari de l’agriculture aujourd’hui.
Les résultats de l’enquête
-
L’étude révèle la coexistence de cinq profils de nouveaux agriculteurs — « héritiers bien préparés » (34 %), « héritiers sans vocation » (22 %), « classes populaires hors cadre » (16 %), « reconvertis des classes moyennes » (20 %) et « reconvertis des classes supérieures » (8 %) — dépassant largement l’opposition traditionnelle entre enfants d’agriculteurs et néo-ruraux.
-
Malgré la diversité des trajectoires, plus de 55 % des répondants déclarent avoir au moins un parent agriculteur, confirmant le poids continu de la socialisation familiale
-
Les « héritiers bien préparés », majoritairement jeunes (80 % ont moins de 35 ans) et diplômés d’une formation agricole, incarnent la continuité générationnelle, tandis que les « héritiers sans vocation » privilégient souvent un parcours professionnel préalable avant de reprendre fermes familiales.
-
Les profils non issus du monde agricole — classes populaires, classes moyennes et supérieures — représentent près de la moitié des nouveaux installés et accèdent aux terres via de nouveaux canaux (agences immobilières, circuits courts, reconversions, etc.)
-
L’enquête souligne que ces divers profils comportent des attentes spécifiques en matière d’accompagnement, de formation et de soutien institutionnel, et invite à adapter les politiques publiques pour répondre à leurs besoins variés.